ELLES SONT ARRIVÉES BRISÉES,
HABITÉES
2024


Elles sont arrivées brisées ce matin de mai. Il n'a pas eu son dernier bain d'eau claire. Rien ne présageait une telle chute.
Les femmes sont nombreuses autour de la crieuse et leurs larmes sont à double tranchant. Pleurant d'avoir pleuré, les visages se déforment. Le peuple est difforme, il blesse le souvenir. Seuls les cochons ont forme humaine : leurs cris léthéens attirent l’âme défunte pour préserver un peu de lui, comme les coraux écartent le sel.
Un tissu chasse les esprits, l'autre pour corps de l'enfant - ils ratissent le sol.
La hurleuse a perdu ses yeux, la chute remplit ses orbites de terre, ses genoux retracent les chemins qu'il n'empruntera plus.
La carte aveugle de ses pas passés est incertaine, chaque nouveau regard la brule.

Texte écrit par Deborah Gutmann


ARCHIVES RECHERCHES SUR LE TERRAIN
     Étude anthropologique dans les Iles Trobriand, 
     Papouasie Nouvelle Guinée, 2017