LÉO NATAF
Artiste Plasticien, né en 1994 à Paris.
Diplômé de l’école d’art Saint Martins à Londres, il vit et travaille à Saint-Denis.
Passionné d’anthropologie, sa démarche est rythmée par des aller-retour entre
sa propre culture et celles des autres, entre histoires individuelles et Histoire collective.
Crânes d’animaux, silex, masques, coiffes, peaux de dromadaires servant à fabriquer des parchemins, gri-gris, objets rituels, roche volcanique, pierres ramassées sur son chemin.
Léo Nataf rapporte de ses voyages, qui l’ont mené de communautés de chasseurs-cueilleurs (en Amazonie, en Papouasie-Nouvelle Guinée, au Mexique) à des terres liées à la culture juive, amazigh, arabe et africaine de plusieurs de ses ancêtres (Tunisie, Maroc, Liban, Ethiopie), toutes sortes d’objets qui viennent influencer, voire directement intégrer, une pratique artistique plurielle (sculpture, peinture, performance).
Qu’ils lui aient été offerts lors de rites et de rencontres, qu’ils aient été créés à quatre mains avec des artisans et des chamans, ou qu’il les ait emportés en souvenir d’expériences, les objets issus de ces relations incarnent l’idée d’un autre rapport au monde, où « l’hyper concret et l’hyper spirituel cohabitent ».
De retour à Saint-Denis, de son four à l’atelier sortent des formes nourries de matériaux hybrides (os, silex, dents, céramique, marbre, béton cellulaire, mousse, bois, métal) mêlés par la puissance transformatrice du feu, qui s’invite aussi sur des toiles aux couleurs d’incendie.
Faux vestiges archéologiques de créatures étranges aux reflets étincelants, guerriers et sphinx pastel aux silhouettes à la fois brutes et fragiles, sphères où mousse synthétique et roche volcanique fusionnent leurs matières, le feu a le pouvoir de constituer un tout à partir d’ingrédients disparates, de fondre leurs différences d’origine pour créer des œuvres hybrides et généreuses.
Léo Nataf se laisse guider par le chalumeau, joue avec les accidents créés par la cuisson au four, se réjouit de la puissance de transformation et de réinvention des flammes.
Pour ce descendant d’exilés nord-africains et de survivants polonais du génocide nazi, émigrés en France au milieu du 20e siècle, les questions de mémoire collective et de transmission immatérielle de l’identité – d’une identité plurielle hantée par la disparition et le questionnement sur les origines – sont centrales.
L’objet-œuvre d’art joue un rôle d’intercesseur vers un autre espace et un autre temps, parfois enfouis en soi. Porteur d’un passé bouleversé, nourri de légendes yiddish, des silences du mellah et des récits d’aventures au bord de la mer à Tunis, l’artiste recrée des fétiches chargés de rêves et de croyances, y compris en réinventant ses propres lieux et objets de culte.
Un temple sans toit est éclairé par la lune au milieu du désert ; les palmiers et les portes bleues de Sidi bou Said racontés par les grands-parents se fixent sur un tapis tissé par des artisans du Sud marocain ; des parures gravées de signes et de symboles berbères, juifs, musulmans et touareg ornent un chameau ; des bribes de sculptures et d’artefacts portent le lekh lekha d’Abraham (« va pour revenir à toi »).
Un texte de Victoria Jonathan, Doors Paris.